G. Coutaz: Archives en Suisse

Cover
Titel
Archives en Suisse. Conserver la mémoire à l'ère numérique


Autor(en)
Coutaz, Gilbert
Reihe
Le savoir suisse
Erschienen
Lausanne 2016: Presses polytechniques et universitaires romandes
Anzahl Seiten
125 S.
Preis
€ 38,00
URL
von
Barbara Roth-Lochner

Si vous êtes archiviste, et que vous en avez assez d’expliquer en quoi consistent votre mission, votre travail et vos responsabilités, vous pouvez désormais conseiller à votre interlocuteur francophone de se saisir du livre de Gilbert Coutaz, Archives en Suisse. Publié dans la collection Le savoir suisse, qui réunit, selon son éditeur, des «livres de petit format », il n’est pas pour autant léger. Attention, il faut se concentrer, surtout quand on n’est pas du métier, car la matière est dense, et il faut accepter de suivre l’auteur dans ses développements qui ne sont pas toujours linéaires. Dans ce sens, ils reflètent tout simplement la complexité du métier d’archi - viste à l’ère du numérique, comme le précise le sous-titre.

La présence du terme «numérique» dans le sous-titre ne signifie pas qu’il est question d’archives numériques (il en est d’ailleurs relativement peu question); le propos de G. Coutaz est bien plus vaste, mais l’allusion à l’ère numérique attire l’attention sur le lieu où se situe l’auteur. Il est bien ancré dans le présent immédiat : le rôle et la mission de l’archiviste, son travail, ses collaborations, les connaissances et les formations requises, enfin les défis. S’il fallait trouver un fil conducteur, ce serait un plaidoyer en faveur de la profession d’archiviste dans notre société, de sa déontologie, de ses valeurs telles que l’authenticité, la fiabilité, la transmission ou encore la conservation.

L’expression «ère numérique» est aussi à comprendre dans son contexte, celui de la société de l’information, de la pléthore de celle-ci, du peu de rigueur dans la définition de son statut et de sa provenance, de son inégale valeur, de son cortège de garde-fous comme la protection des données et son apparent opposé, le droit à l’information. Sans oublier la globalisation et l’obsolescence programmée à la fois des techniques et des supports, voire des informations. De quoi donner le vertige.

D’emblée, G. Coutaz fait l’excellent choix de secouer son lecteur en le confrontant à toutes les affaires récentes qui ont propulsé les archives à la Une dans des circonstances dramatiques – les archivistes n’en demandaient pas tant ! Attitude de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, fonds en déshérence, relations avec l’Afrique du Sud, placements d’enfants. Faut-il donc qu’il y ait des crises pour que la société comprenne la nécessité d’une bonne conservation des archives? Le ton s’apaise ensuite avec de classiques définitions (quelques redondances dans les chapitres suivants) et la mise en évidence des binômes document /archives, document/information, archives publiques/archives privées, sélectionner/éliminer et une brève présentation de cette tâche fondamentale qu’est l’évaluation.

Puisque ce compte rendu s’adresse surtout à des historiens, attirons l’attention sur le chapitre 3. «L’histoire des archives en Suisse» qui se fonde sur de solides et éclairantes recherches dont les passionnés trouveront une version plus développée dans une autre publication de G. Coutaz, «Histoire des Archives en Suisse, des origines à 2005», parue dans l’ouvrage collectif Pratiques archivistiques en Suisse, Baden: Hier+Jetzt, 2007, pp. 46-136. Quelle que soit l’importance de l’ère numérique dans laquelle on se trouve, il s’agit de remonter aux origines de la conservation des archives. G. Coutaz met ici en lumière les fondements des relations entre droit et archives, entre administration et archives, entre histoire et archives qui conservent toute leur importance à notre époque. Et, puisqu’il s’agit d’archives en Suisse, l’auteur se livre dans les chapitres suivants à un panorama des différents types de centres d’archives (avec une très éclairante statistique des dotations en forces de travail ! pp. 57-58) et des efforts des professionnels pour contrer les effets néfastes du fédéralisme et de la dispersion, notamment par le biais de l’association professionnelle, de la revue partagée avec les bibliothécaires suisses et de la mise en place d’une formation. Les historiens sont également interpellés dans le dernier chapitre, quand G. Coutaz regrette en quelque sorte une absence de partenariat qui pourtant devrait s’imposer tout seul (pp. 115-116).

Le livre de Gilbert Coutaz s’enracine dans plusieurs décennies d’expérience à la tête d’un centre d’archives , d’abord les Archives de la Ville de Lausanne, puis les Archives cantonales vaudoises. Pleinement engagé dans la défense et la promotion de la profession, l’auteur a été président de l’Association des archivistes suisses au moment où celle-ci a lancé une formation universitaire et des publications. À mi-chemin entre la synthèse de savoirs et l’essai, son livre se mue par endroits en cri du coeur : devant la complexité des problèmes qui se posent à la profession, qui a pourtant traversé toutes les mues nécessaires pour y faire face, l’archiviste se sent souvent bien seul devant les groupes d’usagers, les autorités politiques qui attribuent les budgets, sans parler des grands acteurs de la société de l’information qui se moquent du long terme.

Zitierweise:
Barbara Roth-Lochner: Gilbert COUTAZ: Archives en Suisse. Conserver la mémoire à l’ère du numérique, Lausanne: PPUR, 2016. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 245-246.